L’histoire de la musique house à Montréal

Igloofest
Steven Ross

Steven Ross

Cet article a été mis à jour le 13 février 2023.

La musique house de Montréal possède un son unique qui témoigne de sa position privilégiée au confluent des courants musicaux américains et européens. Alors qu’elle danse lors l’une des nombreuses cérémonies électroniques dont regorge la ville, la foule se demande peut-être d’où vient ce son mythique qui l’ensorcelle. Voici la petite histoire de la house et de comment elle a influencé la vie nocturne montréalaise.  

La fin du disco

Dans les années 70, le disco trône au top des palmarès internationaux. Toutes les boîtes de nuit enchaînent les tubes de ABBA et des Bee Gees. À Montréal, les discothèques comme le 1234 et le Lime Light contribuent à donner à la métropole le titre de vice-reine du disco. C’est l’époque des paillettes, de l’androgynie et de l’extravagance. Le disco devient un mouvement culturel majeur, permettant à certains groupes marginalisés, dont les communautés gaies et afro-américaines, de s’exprimer haut et fort.    

Le style cartonne jusqu’à la Disco Demolition Night, organisée en 1979 par un animateur de radio de Chicago frustré de voir sa station rock se convertir au disco. L’événement attire 60 000 personnes et tourne au carnage alors que la foule brûle des milliers de disques. Surnommé « le soir où le disco est mort », l’événement a un impact immédiat sur le genre musical et est en partie responsable de la naissance du contre-mouvement disco sucks.  

La vague disco sucks coïncide également avec le début de la récession économique et l’éclatement aux États-Unis de la crise du sida. La frivolité et l’ostentation du disco se heurtent soudainement aux restrictions sociales et à un sentiment d’homophobie grandissant. Du jour au lendemain, la promiscuité du disco n’a plus sa place et la danse libératrice redevient marginale. 

 

video poster

Le disco est mort. Vive la house!

Les communautés gaies, afro-américaines et latino-américaines se tournent donc vers des endroits alternatifs pour continuer à danser. C’est le cas du Paradise Garage de New York et du Warehouse de Chicago, où joue le DJ Frankie Knuckles. Surnommé le « parrain de la house », il est l’un des premiers DJs à incorporer deux boucles de chansons disco pour en faire un remix. Le nouveau son du Warehouse est rapidement étiqueté « house music ». Les DJs y superposent ensuite des messages vocaux pro-liberté et pro-diversité en guise de clin d’œil aux communautés qui fréquentent leur club. La musique house devient dès lors une trame sonore vivifiante associée aux mouvements sociaux progressistes.  

 

Montréal : croisement entre deux courants

À Montréal, les boules disco cessent aussi de tourner dans les années 80. Toutefois, la ville continue d’être abreuvée par les courants de musique dance des deux côtés de l’Atlantique, lui procurant une sonorité bien distincte.  

Au tournant des années 90, alors que l’influence de la house américaine se fait sentir dans les boîtes gaies de la ville, l’Eurodance frappe les radios de plein fouet. Le mouvement qui ne percera jamais réellement aux États-Unis connaît au Québec un succès fulgurant. La French Touch, qui fera notamment connaître Bob Sinclar et Daft Punk, a aussi un succès précoce à Montréal dans les années 90, avant que ceux-ci ne deviennent des vedettes internationales.  

Une autre vague arrive d’Europe au début de la même décennie: la culture rave de l’Angleterre. La techno est alors encore un son très underground à Montréal. Seulement quelques endroits en font jouer, dont l’éphémère club Crisco, rue Sanguinet, qui sera ouvert pendant 90 jours seulement.  

Un groupe d’universitaires mené par DJ Tiga décide d’y organiser une série de fêtes technos qui feront vite fureur. Toutefois, la fermeture prématurée du Crisco les pousse à devoir trouver des endroits clandestins pour leurs événements. C’est ainsi que verra le jour l’une des premières raves à Montréal, le Solstice, en mars 1993.  

La rave réunit plusieurs milliers de personnes de tous les horizons et impacte immédiatement la scène électronique de Montréal. En effet, le succès du Solstice ouvre la voie à quelques années de raves illégales, dont l’emplacement ne peut être révélé que la veille par téléphone. La taille de ceux-ci et la consommation de drogues provoquent toutefois d’importantes descentes policières, qui rendront finalement leur tenue impossible. 

 

Festival Black & Blue

Danser : une nécessité

Les DJs se tournent donc vers les clubs pour continuer à faire danser les fans. Plusieurs after-hours voient le jour, dont le Sona, ouvert par DJ Tiga. De son côté, le Stereo est co-fondé par l’ancien DJ du Paradise Garage de New York, Angel Moraes. Celui-ci y crée un système de son sur mesure, encore reconnu mondialement pour sa qualité audio inégalée. Apportant avec lui l’influence de la house new-yorkaise, Angel Moraes contribue à ajouter une touche unique au son de sa ville d’adoption.  

Les années 90 seront aussi marquées par d’importantes luttes pour les droits des communautés LGBTQ+ à Montréal. Le festival Black & Blue, notamment, naîtra de ces mouvements militants afin de donner à ces communautés une plateforme pour se défouler et célébrer la diversité.  

 

Igloofest

Montréal, ville de la house

Aujourd’hui, Montréal est considérée par Billboard comme l’une des meilleures villes de danse au monde, et la métropole réserve à la house une place toute spéciale dans sa vie nocturne et son calendrier événementiel.   

 

Il ne reste donc qu’à sortir ses plus beaux mouvements et de se laisser vibrer au rythme de la diversité.  

Steven Ross

Steven Ross

Steven Ross manie la plume depuis l’âge de 17 ans. Communicateur spécialisé en tourisme et en divertissement, il a notamment parcouru le monde à titre d’attaché de presse principal pour le Cirque du Soleil et travaillé au sein de plusieurs festivals et studios de jeux vidéo. Passionné par le voyage, les langues et l’histoire, c’est au rythme de la musique house que son cœur bat le plus fort.

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